"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

mercredi 20 octobre 2010

Impressions de Manif

Solidarité lycéenne pour régime "cheminots"

Samedi d’octobre, jour de manif. Je n’avais pas battu le pavé depuis…depuis une manif un autre samedi, de mars celui là, contre le CPE. C’était en 2006, autant dire que Victor était en culotte courte et ne faisait pas encore le désespoir de ses parents en étant devenu communiste (je plaisante).
Problème des retraites ? La gauche tout au long de ses années de pouvoir n’a jamais voulu s’attaquer à la question par simple souci électoral. Je l’ai déjà écrit ici, la réforme des retraites du gouvernement Fillon est une mauvaise réforme qui apporte de mauvaises réponses à des questions mal posées. Mais elle a le mérite d’exister et de constituer « un pas en avant ». Demander des aménagements, des améliorations, son amendement, c’est faire un deuxième pas en avant.
Voilà pourquoi, ce samedi, je suis là, planté sur le bord du trottoir, place du Général de Gaulle (j’ai eu la flemme de descendre jusqu’au cours Clemenceau). Je regarde ce (très) long fleuve humain qui s’écoule dans le calme, je dirais même presque dans la torpeur. Cela ressemble parfois à une marche silencieuse. Manque d’enthousiasme, citoyens désabusés, manifestants blasés? Je ne sais.
Bref, je suis là un peu comme au mois de mars ou de novembre sur les bords de la grande bleue, quand je trempe un orteil dans l’eau, me demandant « alors t’y vas ou pas ? ». Aujourd’hui ce n’est pas une question de température, mais je ne trouve pas ma place. Dans quelle partie intégrer ce cortège? Toutes ces banderoles me sont étrangères. Certaines, rien qu’à leur vue, me filent des démangeaisons. Alors je continue d’observer tous ces manifestants.
Je n’y vois pas beaucoup de jeunes actifs, un peu comme si les 20/35 ans avaient deviné qu’ils étaient les dindons de la farce qui s’écrivait en cet automne 2010.
Ce n’est pas tout à fait exact et je ne peux m’empêcher de rigoler lorsque passent « les cheminots », Sud Rail ou CGT. Là, des jeunes, il y en a, il n’y a même que ça d’ailleurs et pour cause, à 52 ans à la SNCF, sonne l’heure des charentaises. Finalement les bénéficiaires, c’est eux aussi. La reforme ne touche pas à leur régime spécial ou si peu (l’âge de la retraite passera pour les roulants de 52 à 54 ans en 2017). Et les lycéens, étudiants, collégiens, qui sont un peu plus loin dans ce défilé devront en porter, sur leurs épaules, la charge financière pendant les quarante à cinquante prochaines années. Alors solidaires les jeunes ou dindes qui manifestent pour que la date de Noël soit avancée?
Je ne sais toujours pas où rentrer dans ce cortège. Arrivent les révoltés de la cité administrative et du Conseil Général. Bon, je ne vais pas « casser du fonctionnaire » mais en terme d’usure, ceux que je vois passer là, peuvent encore servir un bon moment. N’empêche, ils ont l’air soucieux. Sans doute à cause de cette question existentialiste qui mine la perspective de leurs retraites : comment la vivre ? Camping car ou voilier? 
Juste derrière, les postiers ! Ceux là, ce sont mes préférés, surtout ceux du tri de Saint Etienne du Rouvray. C’est grâce à eux que depuis un mois le courrier que j’expédie s’en va au petit bonheur la chance, que j’attends les chèques de mes clients pour payer les factures et les charges sociales, que mi-octobre je reçois du courrier expédié début septembre. Je ne vais quand même pas défiler avec des gugusses qui me pourrissent la vie depuis un mois pour ne pas dire des années avec leurs grèves à répétition et à tous bouts de champs.
Bon, voyons derrière, c’est qui? 
Des enseignants ! J’aurais dû deviner. Ils sont habillés et rasés comme des SDF.  Bien sûr, ils ne représentent qu’une partie du corps professoral, mais pour cette partie là, on ne s’étonnera pas qu’apprendre le respect à leurs élèves, ce ne soit pas de la tarte.

Finalement, je me suis rangé derrière les « Bleu, Blanc, Rouge », cela ne vous surprendra pas. Enfin ces trois couleurs sont dans leur logo. Et puis ce faisant, j’ai mis mes pas dans ceux de mon père. Il a milité 35 ans dans la fédération des métallos. En 2006, on a défilé ensemble, lui et moi, contre le CPE. Aujourd’hui, il serait là, d’ailleurs…..
J’ai quitté la manif au théâtre des arts. J’y ai fait un passage symbolique, peut être plus pour me donner bonne conscience que par conviction. On a ses jours de faiblesse ou de doute.
Cependant, j’y ai quand même vu quelques membres de la classe ouvrière. Ceux pour qui « pénibilité » est un mot qui se vit au quotidien. Ceux dont la peau, pour toujours, garde l’odeur de la fumée des huiles brûlées qui flotte dans l’air des ateliers. Ceux dont les mains sont crevassées par l’acidité du ciment. Finalement, j’aurais dû marcher encore un peu plus longtemps.
Juste pour eux.
C.D

1 commentaire:

  1. Juste pour préciser qu'à l'époque du CPE je redoublais ma 3e, avait donc tous mes amis au lycée, et motivé par mes parents, j'étais de toutes les manifestations, déjà... ;)

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