"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

mardi 16 juin 2015

Brighelli : derniers conseils avant le bac


Mercredi, c'est le coup d'envoi du bac. À tous les candidats qui stressent, on ne sait trop pourquoi, Brighelli adresse ces conseils quelque peu décalés. 


Par Jean-Paul Brighelli

Cher(e) futur(e) bachelier(e),

Permets-moi de te tutoyer - c’est de mon âge. Cela fait bientôt quarante ans que je vois défiler, génération après génération, des candidats au bac. Ça crée des liens quasi familiaux.

Tes parents me disent que tu es un peu inquiet, à la veille de la fatidique épreuve de philosophie qui ouvre les hostilités.

Laisse-moi te dire que tu as tort.
Au pire, la moyenne

D’accord, tu ignores à peu près tout de Descartes et de Kant, de Marx et de Nietzsche, pour ne pas parler de Thomas d’Aquin ou de (saint) Augustin, qui ont sombré dans les oubliettes du politiquement correct : évoquer des suppôts du christianisme, quelle horreur ! Combien de tes camarades seraient choqués dans leurs convictions !

Mais cela n’a aucune importance : pourvu que tu parviennes à rédiger quatre pages avec un projet d’introduction, une apparence de développement et un embryon de conclusion, tu auras, au pire, la moyenne.

Comment ? Mais tu n’arrives pas à écrire quatre pages sans les clouter de phôtes d’aurtograf ? Aucune importance. Au pire, tu perdras deux points, sur les douze octroyés a priori pour ton seul effort d’être physiquement présent. Pour le reste…

« Trop dur les maths »

Ah ? C’est l’épreuve de maths que tu redoutes ? Tu plaisantes, n’est-ce pas… Elle sera notée sur 24, comme l’année dernière. Tu peux compter sur une petite question de probas tout à fait à ta portée. Si jamais un problème te paraît trop complexe, tu pourras toujours ouvrir un compte Facebook « Trop dur les maths » qui rassemblera immédiatement les like de 80 000 autres fainéants, pardon, victimes des lubies professorales, et le ministère, affolé, te votera une subvention spéciale sous forme de conseils / ordres de mansuétude aux correcteurs.

« Mansuétude », ça ne te dit rien ? Tu as raison, c’est du vocabulaire de classe - de classe bourgeoise, bien entendu. Un marqueur d’héritage. Toi, tu es un(e) élève normal(e). Et moderne. Et de gauche ? D’ailleurs, l’un de tes meilleurs copains est membre de la FIDL, cette organisation lycéenne qui sert de couveuse au PS. Il t’a expliqué combien les mots de plus de deux syllabes sont sociologiquement connotés à droite. Pourquoi pas l’imparfait du subjonctif, comme Le Pen père, pendant qu’on y est ?

So, don’t worry !

L’anglais aussi te pose problème ? No problemo (non, ce n’est pas de l’anglais). Quelques mots bien sentis, moitié franglais moitié globish, et le tour est joué.

En français, communique à mort

Le français ne t’intéresse que si tu es présentement en première. L’écrit, c’est du tout cuit - comme en philo. Au pire, tu prends le sujet d’invention, et tu « communiques » à mort. Et à l’oral, avec la petite vingtaine de textes que ta prof (je la mets délibérément au féminin, il n’y a presque plus que des femmes dans cette matière) est tout juste parvenue à expliquer dans le semi-brouhaha constant qu’on appelle une classe sereine, tu ne devrais pas avoir trop de mal. La garce a osé inscrire sur ta liste deux œuvres complètes ? Allons, elles ne sont pas trop longues, tu t’en sortiras. Pense à lui sourire. Après tout, elle se sera levée tôt elle aussi. Mais n’aie crainte : on surveille sa notation, si jamais elle te sabrait, elle se ferait réprimander par un inspecteur ou un autre. Ou par le ministre. Dame Najat n’aime pas trop qu’on vous brime.

Teuf d'après bac

Tu as déjà passé le mois dernier les diverses options qui te font gagner des points et ne risquent pas de t’en faire perdre. Tu sais déjà que tu pars avec une vingtaine de points d’avance. Tu es bon en surf, tu devrais donc décrocher le bac scientifique.

Que te dire de plus ? Commence déjà à préparer la méga-teuf d’après bac. C’est l’occasion ou jamais de lâcher la vapeur. Et de dire au revoir aux copines et aux copains. Tu ne les reverras pas avant longtemps - dans la queue à Pôle emploi par exemple.

Non, je blague ! Tu verras, tu réussiras comme un autre à aller jusqu’en licence. Au pire, si tu échoues partout, on aura toujours besoin de profs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire