"A force de ne pas parler des choses, par élégance, on ne dit rien, et on l'a dans le cul !"

Louis Ferdinand Céline

vendredi 12 juin 2015

Laisser mourir de soif et de faim Vincent Lambert …une curieuse injonction morale


 Par Pierre Brunet de Causeur

Une vidéo, tournée clandestinement, fait scandale auprès des humanistes. Parce qu’elle montre une personne, Vincent Lambert, regarder son frère qui lui parle, et aussi baisser les yeux, comme quelqu’un qui écoute, quand on lui met près de l’oreille un téléphone lui transmettant la voix de sa mère. Le scandale est si grand que le CSA enquête. Le scandale est intolérable, parce que des pontes de la médecine, et une partie de « ses proches » veulent le laisser mourir de soif et de faim. Par humanisme. Pour sa dignité. Et bien sûr, si les gens regardent cette vidéo, ça va être moins facile de faire ça. Il va y en avoir, comme moi, qui vont se dire que c’est un être humain, avec un visage d’être humain, pas un visage de légume, pas une asperge perfusée de partout qu’il faudrait juste mettre dans un doggy bag une fois qu’elle sera toute sèche.
C’est une curieuse injonction morale, quand on y réfléchit, que de nous expliquer, que, par humanisme et au nom de sa dignité, il faudrait laisser mourir de soif et de faim une personne. Et aussi parce que ça commence à coûter cher, de la maintenir en vie, cette personne. Et attention, on ne parle pas de l’aider à mourir par une injection létale, un sédation définitive et rapide, non, ça, ça serait un acte, quelque chose qui demanderait une forme de responsabilité. Non non, là, on voudrait juste « arrêter », de faire, pas « faire quelque chose ». Mais arrêter de faire, en l’espèce, cela veut dire laisser mourir quelqu’un de soif et de faim. Et, il faut le rappeler, c’est une des formes d’agonie les plus atroce qui soit, qui peut être assez longue, avec des manifestations de souffrance du corps dont, bien sûr, les pontes de la médecine ne parleront pas Ou plutôt, ils parleront de « mouvements réflexes ». Les pontes de la médecine adorent parler de « mouvements réflexes » quand la souffrance ne les intéresse pas. Il n’y a pas si longtemps, par exemple, ils avaient décidé que les nourrissons ne souffraient pas, jamais. Si quelque chose ressemblait chez ceux-ci à des manifestations de douleur, il ne pouvait, bien sûr, s’agir que de mouvements réflexes.
J’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi des gens qui ont fait le serment d’Hippocrate trouvent tout à fait normal, digne et moral de laisser mourir quelqu’un de soif et de faim; et pourquoi le scandale consiste à filmer cet être humain, et son humanité, plutôt que de projeter son abandon jusqu’à ce qu’il en crève. Mais bien sûr, son horrible agonie sera silencieuse, c’est ce qui compte. Que des mouvements réflexes, pas de souffrance. Et les humanistes seront contents. Il n’y aura pas eu d’acharnement. Ce n’est pas bien l’acharnement, ça coûte cher au contribuable, et c’est gênant, ça nous rappelle notre irréductible, vulnérable, fragile et dépendante humanité.
Mais c’est parce que nous sommes encore une civilisation capable d’aimer une personne qui n’a pas bougé de son lit d’hôpital depuis des années, que nous avons le droit de nous dire différents de ceux qui égorgent les êtres humains comme des moutons. Sinon taisons-nous. Nos discours ne sont que les mouvements réflexes d’une humanité en laquelle nous ne croyons plus.

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